Des récifs artificiels pour repeupler la rade de Marseille
La plus importante opération d'immersion de récifs artificiels en France est programmée dans la rade de Marseille au printemps, pour redonner vie aux fonds marins et développer l'industrie de la pêche, à l'image de ce qui se fait au Japon.
Loups, sars, saupes et mérous devraient à terme revenir coloniser une zone de 200 hectares située entre les îles du Frioul et la baie du Prado, une fois coulés par trente mètres de fond quelque 30.000 m3 de pièces de béton et de métal, de toutes formes et de tous volumes.
Le projet marseillais est modeste comparé au modèle japonais et à ses 20 millions de m3 de récifs artificiels. Il va cependant doubler la totalité des opérations déjà réalisées le long des côtes françaises.
L'opération fait partie d'un projet plus vaste d'aménagement de la rade et des îles du Frioul. La mairie de Marseille et notamment France Gamerre, adjointe aux affaires maritimes et candidate à l'élection présidentielle, avait longtemps caressé le rêve d'y couler le Clémenceau pour attirer les plongeurs. Avec les pêcheurs, elle a négocié pendant des mois les conditions de cet "enjeu environnemental et économique".
Aujourd'hui, leur patron Mourad Kahoul est convaincu que "la vie va reprendre sur cette zone où certaines espèces sédentaires n'avaient plus d'habitat".
Il faudra compter deux ou trois ans "pour qu'un premier équilibre s'installe. Au bout de 7 à 8 ans, le récif sera devenu un milieu naturel", explique Jean Beurois, océanographe, chargé de mission à la ville de Marseille.
Depuis une dizaine d'années, Marseille suit l'exemple du Parc marin voisin de la Côte bleue, né en 1983 des premiers constats sur la pollution de la Méditerranée. Dans une de ses deux réserves, celle du Cap Couronne, "les études de suivi des récifs ont montré que leur biomasse a été multipliée par trente entre 1995 et 2001", indique Frédéric Bachet, directeur du parc. Selon lui, sur 30.000 m3 de récifs, "on peut attendre un impact halieutique visible".
"Un récif artificiel arrive à être plus productif qu'un fond naturel, indique M. Beurois. On créée un maximum d'infractuosités, car les espèces se répartissent en fonction des cavités que vous leur offrez. La faune doit pouvoir trouver toutes les cavités, de 1 cm3 à 1 m3".
Pour parvenir à cette bioversité, la société EMCC retenue pour le marché, réalisera 473 pièces: des amas de cubes et de poutrelles de cinq mètres de long, des dalles hérissées de poteaux et des chicanes, des amas de blocs rocheux, des cordages avec bouées fixés sur socle béton.
"Les récifs doivent être créés en fonction des fonds, des courants et des espèces que l'on veut attirer", explique Eric Chateauminois qui a réalisé les études avec la société BRL. A Marseille, ils seront positionnés au mètre près sur les racines d'un ancien herbier de posidonies, évitant ainsi leur envasement et la sédimentation qui étouffe. "On ne détruit rien", martèle M. Beurois.
La pêche sera interdite sur zone pendant dix-huit mois pour "laisser au récif le temps de jouer son rôle" et permettre aux poissons de migrer dans toute la rade. Mais la moitié sera définitivement transformée en sanctuaire où seule la navigation de surface sera autorisée.
"Le projet de Marseille est un projet leader, derrière il est possible que la demande explose", espère M. Chateauminois.
L'opération, d'un coût de 6 millions d'euros, est financée par le fonds européen pour la pêche (40%), l'agence nationale de l'eau (30%), la ville de Marseille (20%) et la région (10%).